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Une odeur de papier
10 août 2019

La Curée

20190810_141345-ConvertImageLa Curée 

Émile ZOLA, 1871. 

J'ai décidé de commencer ce blog avec mon roman favori. La Curée  est le deuxième volume du cycle romanesque des Rougon-Macquart. C'est un livre que j'ai lu plusieurs fois et que je relirai. 

Je l'ai découvert à l'automne 2002. Je venais de partir un an à Varsovie grâce au programme Erasmus et fraichement arrivée dans mon akademik (foyer étudiant), je peinais à me faire des amis. Ces premières semaines furent sombres et rudes. Sombres, au sens littéral, à cause de la nuit qui tombait beaucoup plus tôt qu'en France et rudes, à cause de mon profond sentiment de solitude et mon dépaysement. 

Je passais ainsi plusieurs heures par jour à lire et me suis lancé le défi de lire dans l'ordre de parution tous les volumes des Rougon-Macquart. Défi non complété. Le temps aidant, je me suis habituée à ma nouvelle ville, me suis fait des amis, mes progrès en polonais finirent par se faire ressentir et la lecture reprit son rôle de passe-temps et non de refuge. Entre-temps j'avais découvert La Curée que j'avais dévorée. 

Tout est dans le titre.
Dans le vocabulaire de la chasse, la curée désigne le moment où la carcasse du gibier chassé, après avoir été dépecée, est donnée en pâture à la meute de chiens affamés qui "finissent le travail" pour ainsi dire. Ici le gibier est Paris tombé aux mains de Napoléon III et de ses alliés suite au coup d'État du 18 Brumaire et la meute se compose des spéculateurs immobiliers heureux de profiter des travaux d'Haussmann (Hartmann dans le roman) pour se remplir les poches. 

"L'Empire allait faire de Paris le mauvais lieu de l'Europe. Il fallait à cette poignée d'aventuriers qui venaient de voler un trône, un règne d'aventures, d'affaires véreuses, de consciences vendues, de femmes achetées, de souleries furieuses et universelles. Et, dans la ville où le sang de décembre était à peine lavé, grandissait, timide encore, cette folie de jouissance qui devait jeter la patrie au cabanon des nations pourries et déshonorées."

Aristide Saccard (Rougon) a quitté Plassans pour Paris et veut participer à la fête. Un jour, à la faveur d'une promenade à Montmartre avec sa jeune épouse, Renée, fille d'un vieux Républicain vivant quasi-reclus sur l'île Saint Louis, nous assistons à la description de la conquête de Paris par ces spéculateurs immobiliers. Ayant Paris offert à leur pied depuis la table de la guinguette où ils sont attablés, Aristide et Renée admirent la ville. Aristide, pris de passion, raconte à son épouse les plans de développement du nouveau Paris. Cette scène fait froid dans le dos. Au fur et à mesure de la lecture Aristide se mue en général sur le point de prendre une ville adverse.

L'ironie de Zola se déchaîne également contre les sénateurs et députés, qui, au lieu de s'occuper corps et âme de politique et de représenter leurs "électeurs", passent leur temps à écrire des historiettes et à les mettre en scène avec les dames désœuvrées de la Haute Société qui noient leur ennui, voire leur désespoir, dans les divertissements et les emplettes.  

Dans toute cette folie et cette débauche, Renée Saccard, mariée à Aristide, suite à un viol subi à l'âge de 17 ou 18 ans, apparaît comme une âme en peine.  Elle tourbillonne dans les fêtes, les plaisirs, les toilettes, les relations quasi-incestueuses dans les barques du Parc Monceau (liberté prise par Zola, il n'y en a pas dans ce parc) avec son beau-fils, pour oublier le traumatisme ou parce qu'elle est pervertie par lui. Renée, Re-née, représenterait-elle au fond la France saisie de cette folie mercantile et dégénérée sous le Second Empire ?

En finissant la lecture, j'ai eu le tournis. 

Tip : l'Hôtel Particulier des Saccard près du parc Monceau était situé à l'emplacement de l'actuel Musée Nissim de Camondo

 

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Commentaires
G
Bel intitulé pour un blog que cette odeur de papier, en effet l'odeur des livres qu'ils soient neufs ou anciens fait partie du plaisir de la lecture... j'ai découvert Zola à 16 ans et j'ai lu tous les Rougon-Macquart et je les ai relus, ;-) j'aime le Rêve mais aussi la bête humaine et au bonheur des dames... bref j'aime Zola... <br /> <br /> Je te souhaite plein de belles lectures, il y a tellement de beaux livres à découvrir...
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Une odeur de papier
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