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Une odeur de papier
29 août 2019

Une vraie famille

20190822_083215Une vraie famille 

Valentin Musso, Ed° Seuil, 2015. 

J'avais déjà lu Sans faille un thriller de Valentin Musso que j'avais bien aimé. La pirouette de fin surtout m'avait particulièrement plu. Ce souvenir m'a alors incitée à remettre le couvert en me plongeant dans son ouvrage suivant. 

Nous suivons l'existence quasi recluse d'un couple de Parisiens bourgeois dans leur maison secondaire en Bretagne, suite à un drame personnel. Pour les aider dans l'entretien de la propriété, ils engagent Ludovic, comme homme à tout faire. Ludovic devient indispensable.
Dans une première partie tout semble. Ludovic semble devenir indispensable, mais est-ce vraiment à cause de ses talents ? Ludovic semble avoir des exigences et les Vasseur semblent s'y soumettre. Les Vasseur mentent sciemment mais pourquoi ? et semblent laisser un piège se refermer sur eux. Mais qui dirige qui au final ? Très vite la menace pèse clairement, seulement il semble.

J'ai trouvé la lecture de la première partie fluide. J'ai apprécié imaginer les environs de Quimperlé, région inconnue de moi, voir les relations entre les personnages se tisser, sentir l'ambiance dans la longère "néorurale". Puis vint le coup de théâtre (annoncé en quatrième de couverture) et tout, y compris des moments anodins du récit, prennent une toute autre couleur. Cependant cette deuxième partie fut un peu longuette à mon goût. J'ai même dû m'accrocher pour continuer. Même si elle paraît comme une introduction de la troisième partie, durant laquelle le mot "thriller" prend tout son sens.

Les personnages sont reclus. Reclus dans une maison, dans une pièce, reclus dans la folie, reclus dans les problèmes liés à une blessure physique, reclus dans leur peine psychique incommensurable, reclus dans leur mensonge. Arrive un moment où on ne sait plus ce qui est vrai. La confusion dans laquelle sont plongés certains personnages semble contagieuse. L'ambiance est alors pesante, la seule porte de sortie étant de finir le livre.   

 

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20 août 2019

Les choses qu'ils emportaient

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Les choses qu'ils emportaient

Tim O'BRIEN. Edition Gallmeister, 2018. 

Parfois il y a des livres que je remarque et que je compte bien lire un jour. D'autres fois, j'ai l'impression que c'est le livre qui décide d'être lu. Je sais bien qu'en réalité il n'en est rien, toutefois c'est ce que j'ai vécu avec ce livre. Je sortais d'un rendez-vous avec une copine au carrousel du Louvre, je marchais rue St Honoré et fut happée par la librairie Delamain.
Une fois à l'intérieur je regardais nonchalamment les couvertures. J'errais sans but. C'est probablement la couleur jaune de la couverture, le fouilli d'affaires et le logo de la maison d'Edition qui m'ont attirée et sortie de ma rêverie. J'ai lu la quatrième de couverture et la décision était prise, j'allais lire ce livre. Je n'étais finalement pas entrée pour rien !

Entre temps j'ai appris qu'il avait d'abord été publié en France sous le titre  A propos du courage. 

Ce livre parle de la guerre du Vietnam. Ou plutôt de la guerre tout court. Chaque chapitre évoque un thème. Il n'y a pas de chronologie. Tim O'Brien raconte par bribe son expérience. Nous n'aurons pas une description scrupuleuse des plans d'attaque ou de défense des troupes américaines ou du Vietcong, ni de description de l'offensive du Têt ni de la chute de Saïgon. Ce n'est pas un rapport journalistique.
Au lieu de tout cela, le lecteur sera confronté à un face à face post mortem entre le narrateur et sa première victime, un jeune mathématicien, assistera à la transformation d'une pompom girl de lycée en machine à tuer. Il sera question de sentiments des hommes avant, pendant et après la guerre. 

C'est écrit naturellement. Ce livre est habité. Au fur et à mesure de la lecture, c'est comme si O'Brien était assis près de moi sur le canapé du salon et me racontait sa guerre du Vietnam et peu importe qu'elle se passât en 1968, 1970 ou 1974. 

Dans ce livre seul ce que vivent ses protagonistes importe. Il est poignant et en même temps je me doute que ce qui est écrit est bien en deçà de la réalité. 

Mais est-ce vrai ou n'est-ce que ce qu'il peut en raconter ? 

"Une histoire de guerre véridique n'est jamais morale". 

 

 

 

10 août 2019

La Curée

20190810_141345-ConvertImageLa Curée 

Émile ZOLA, 1871. 

J'ai décidé de commencer ce blog avec mon roman favori. La Curée  est le deuxième volume du cycle romanesque des Rougon-Macquart. C'est un livre que j'ai lu plusieurs fois et que je relirai. 

Je l'ai découvert à l'automne 2002. Je venais de partir un an à Varsovie grâce au programme Erasmus et fraichement arrivée dans mon akademik (foyer étudiant), je peinais à me faire des amis. Ces premières semaines furent sombres et rudes. Sombres, au sens littéral, à cause de la nuit qui tombait beaucoup plus tôt qu'en France et rudes, à cause de mon profond sentiment de solitude et mon dépaysement. 

Je passais ainsi plusieurs heures par jour à lire et me suis lancé le défi de lire dans l'ordre de parution tous les volumes des Rougon-Macquart. Défi non complété. Le temps aidant, je me suis habituée à ma nouvelle ville, me suis fait des amis, mes progrès en polonais finirent par se faire ressentir et la lecture reprit son rôle de passe-temps et non de refuge. Entre-temps j'avais découvert La Curée que j'avais dévorée. 

Tout est dans le titre.
Dans le vocabulaire de la chasse, la curée désigne le moment où la carcasse du gibier chassé, après avoir été dépecée, est donnée en pâture à la meute de chiens affamés qui "finissent le travail" pour ainsi dire. Ici le gibier est Paris tombé aux mains de Napoléon III et de ses alliés suite au coup d'État du 18 Brumaire et la meute se compose des spéculateurs immobiliers heureux de profiter des travaux d'Haussmann (Hartmann dans le roman) pour se remplir les poches. 

"L'Empire allait faire de Paris le mauvais lieu de l'Europe. Il fallait à cette poignée d'aventuriers qui venaient de voler un trône, un règne d'aventures, d'affaires véreuses, de consciences vendues, de femmes achetées, de souleries furieuses et universelles. Et, dans la ville où le sang de décembre était à peine lavé, grandissait, timide encore, cette folie de jouissance qui devait jeter la patrie au cabanon des nations pourries et déshonorées."

Aristide Saccard (Rougon) a quitté Plassans pour Paris et veut participer à la fête. Un jour, à la faveur d'une promenade à Montmartre avec sa jeune épouse, Renée, fille d'un vieux Républicain vivant quasi-reclus sur l'île Saint Louis, nous assistons à la description de la conquête de Paris par ces spéculateurs immobiliers. Ayant Paris offert à leur pied depuis la table de la guinguette où ils sont attablés, Aristide et Renée admirent la ville. Aristide, pris de passion, raconte à son épouse les plans de développement du nouveau Paris. Cette scène fait froid dans le dos. Au fur et à mesure de la lecture Aristide se mue en général sur le point de prendre une ville adverse.

L'ironie de Zola se déchaîne également contre les sénateurs et députés, qui, au lieu de s'occuper corps et âme de politique et de représenter leurs "électeurs", passent leur temps à écrire des historiettes et à les mettre en scène avec les dames désœuvrées de la Haute Société qui noient leur ennui, voire leur désespoir, dans les divertissements et les emplettes.  

Dans toute cette folie et cette débauche, Renée Saccard, mariée à Aristide, suite à un viol subi à l'âge de 17 ou 18 ans, apparaît comme une âme en peine.  Elle tourbillonne dans les fêtes, les plaisirs, les toilettes, les relations quasi-incestueuses dans les barques du Parc Monceau (liberté prise par Zola, il n'y en a pas dans ce parc) avec son beau-fils, pour oublier le traumatisme ou parce qu'elle est pervertie par lui. Renée, Re-née, représenterait-elle au fond la France saisie de cette folie mercantile et dégénérée sous le Second Empire ?

En finissant la lecture, j'ai eu le tournis. 

Tip : l'Hôtel Particulier des Saccard près du parc Monceau était situé à l'emplacement de l'actuel Musée Nissim de Camondo

 

Une odeur de papier
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